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Chasse: en Lorraine, le faisan de la discorde

La vengeance du faisan

En Moselle, chasseurs et associations s’opposent sur un projet d’introduction du faisan sur une zone de 10.000 hectares, avec piégeage de renards et d’autres prédateurs potentiels. Résultat: les rongeurs prolifèrent. Ce qui a incité fin mars les autorités à autoriser l’utilisation de bromadiolone, un rodenticide hautement toxique.

De la nature, faisons table rase pour l’arrivée du faisan: c’est ce que dénoncent l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) et Mirabel-LNE, selon qui un projet d’implantation de ces volatiles, destinés à la chasse, se fait au détriment de l’équilibre écologique. Lancé fin juin 2013, ce groupement d’intérêt cynégétique (GIC), épaulé par la Fédération départementale des chasseurs de Moselle, a pour objectif de relâcher 9.000 faisans d’élevage en 3 ans sur une surface de 10.000 hectares, répartis sur 160 communes entre les vallées de la Seille et de la Nied.

Selon le schéma départemental de gestion cynégétique 2014-2020 de Moselle, ce projet, «né de la volonté de quelques passionnés de petit gibier», «constitue, à terme, une alternative certaine à l’espèce sanglier et à son corollaire de dégâts». «Le faisan, quand à lui, ne génère aucun grief vis-à-vis du monde agricole et bénéficie d’une bonne image auprès du grand public. C’est une façon de proposer une alternative aux chasseurs mosellans et aux générations futures, tout en s’orientant vers une pratique cynégétique valorisant le petit gibier», poursuit le document.

Renards et corneilles dans le viseur

Or afin d’aider l’implantation de ces animaux d’élevage, les chasseurs comptent bien empêcher au maximum leur prédation, notamment en «prélevant» renards et corneilles. Depuis le début de l’opération en 2013, environ 400 renards auraient ainsi été piégés par des cages avec des pigeons comme appâts, 200 autres directement abattus, sur le territoire couvert par le GIC, estime Gaëtan Bouteiller, en charge du dossier à la fédération, contacté par le JDLE.

Pour Julien Frizon, délégué de l’Aspas en Moselle, «on détruit toute la faune autochtone pour faire plaisir aux chasseurs». Selon l’association, cet abattage des prédateurs du faisan a des effets en cascade. «Cancres de la biologie, les chasseurs n’ont pas pris en compte les conséquences du déséquilibre qu’ils ont provoqué: les campagnols pullulent et ravagent les cultures», expliquent-elles dans un communiqué.

Face à la prolifération de rongeurs, la Fredon Lorraine [1] a autorisé, fin mars, les agriculteurs de trois communes (Oriocourt, Lemoncourt, Château-Salins) à utiliser de la bromadiolone. Utilisé uniquement à titre dérogatoire, ce rodenticide, un anticoagulant hautement toxique, est l’une des bêtes noires des associations de la faune sauvage. Notamment du fait qu’il empoisonne les rapaces, espèces protégées, qui viendraient à se nourrir de rongeurs contaminés.

La bromadiolone au lieu du renard

Dans un courrier adressé fin avril au préfet, l’Aspas s’étonne de la «situation aberrante dans laquelle se trouve la faune sauvage de ces trois communes: alors que les prédateurs des rongeurs sont intensivement détruits en vue de permettre la reconversion de certains chasseurs, des produits hautement toxiques sont répandus en pleine nature pour pallier l’augmentation des populations de rongeurs induite par la diminution des populations de leurs prédateurs».

La campagne d‘utilisation de la bromadiolone n’aura au final duré qu’une semaine: signé le 24 mars, l’avis de traitement de la Fredon stipule qu’«aucun traitement ne pourra être réalisé après le 31 mars 2015 inclus». Les associations demandent toutefois une interdiction définitive de ce produit en Moselle, «a minima d’en interdire l’emploi dans les zones de présence d’espèces protégées, et dans les zones où l’absence de prédateurs est favorisée par des mesures cynégétiques visant à faire proliférer des espèces proies».

Interrogé par le JDLE, Gaëtan Bouteiller assure ne pas être au courant de cette campagne de bromadiolone -bien que sa fédération départementale figure en toutes lettres parmi les destinataires de l’avis de la Fredon. S’il reconnaît «avoir entendu parler d’une prolifération de mulots», qu’il impute à la douceur de l’hiver, il indique qu’aucun renard n’a été prélevé dans les trois communes, du moins pas à l’initiative de la fédération. Ce que nie l’Aspas, qui affirme avoir observé des pièges dans ces communes.

Pour Gaëtan Bouteiller, «le but des prélèvements est qu’il n’y ait pas de prédation pendant les premières semaines [de présence des faisans sur le terrain] ou lors de la reproduction, mais il ne s’agit évidemment pas d’exterminer les espèces prédatrices». Entre les prédateurs, les machines agricoles et les routes, il estime que 70% des faisans lâchés auraient succombé.

Autre demande des associations au préfet, le retrait du renard de la liste des espèces nuisibles, comme l’ont fait d’autres départements. Pas certain que la mesure séduise les chasseurs: dans leur schéma départemental de gestion cynégétique, ceux-ci estiment qu’«il faudra veiller, à l’avenir, à maintenir une liste d’espèces classées nuisibles la plus large possible sur l’ensemble des communes faisant partie de GIC, participant ainsi à la réussite de celui-ci».

[1] Fredon: Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles

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