Matthieu Ricard: «défendre les animaux, ce n’est pas dédaigner les hommes»
Les gens font souvent un mauvais procès aux défenseurs des animaux: ils seraient coupables d’insensibilité envers les hommes qui souffrent de par le monde, de faim, de misère, de par les conflits. Mais à y regarder de près, cet argument est complètement dépourvu de logique, affirme Matthieu Ricard, moine bouddhiste et écrivain français, qui offre une belle leçon de bienveillance
Défendre les animaux, cela ne veut pas dire dédaigner les hommes
A la suite de la publication du Plaidoyer pour les animaux*, l’un des reproches que j’ai le plus souvent entendu est qu’il est indécent de tourner son attention vers les animaux et de vouloir améliorer leur sort alors que tant de souffrances affligent les hommes en Syrie, en Irak, au Soudan et ailleurs. Le simple fait d’avoir de la considération pour les animaux serait une insulte au genre humain. Asséné avec un élan d’indignation qui a l’air de reposer sur les plus hautes vertus, cet argument peut sembler faire mouche, mais dès qu’on l’examine un peu, on s’aperçoit qu’il est parfaitement dépourvu de logique.
Si le fait de consacrer quelques-unes de nos pensées, de nos paroles et de nos actions à la réduction des souffrances innommables que nous infligeons délibérément aux autres êtres sensibles que sont les animaux constitue une offense aux souffrances humaines, qu’en est-il alors d’écouter France Musique, de faire du sport et d’aller se faire bronzer sur une plage? Ceux qui s’adonnent à ces activités et à bien d’autres deviendraient-ils d’abominables individus du fait qu’ils ne consacrent pas l’intégralité de leur temps à remédier à la famine en Somalie?
Comme le remarque justement Luc Ferry: «J’aimerais bien qu’on m’explique en quoi le fait de torturer viendrait en aide aux humains. Le sort des chrétiens d’Irak est-il amélioré parce qu’on dépèce en Chine des chiens vivants par milliers chaque année avant de les laisser crever pendant des heures, attendu que plus leur douleur est atroce, meilleure est leur chair. Est-ce parce qu’on maltraite ici les canidés qu’on est plus sensible au malheur des Kurdes? […] Chacun d’entre nous peut s’occuper des siens, de sa famille, de son métier et s’engager en plus en politique ou dans la vie associative sans pour autant massacrer des animaux.»
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