Je ne pensais pas qu’une partie du mouvement écologiste tomberait aussi bas. Je n’imaginais pas que des écologistes – ces amis de la nature qui méritent en général cette appellation – pourraient en appeler au massacre d’un animal emblématique. D’un grand prédateur nécessaire à l’équilibre des écosystèmes. D’une espèce protégée dans de nombreux pays du monde, notamment en Europe…
Je ne désirais pas voir cela… L’écologie a de nombreux ennemis : elle en trouve aussi dans ses rangs. Ces traîtres se réclament de l’étiquette "verte" pour mieux assassiner le Beau et la Vie. J’ai honte en songeant à eux.
À la vérité, ces "infiltrés" ne sont évidemment pas écologistes. Comme dans les contes pour enfants, ils ont volé la peau des "bons". Ils ont revêtu la défroque et ils avancent cachés en essayant de faire croire au Petit Chaperon rouge qu’ils sont Mère-grand.
Des camarades massacreurs
Mère-grand, Chaperon rouge : on a compris qu’il s’agit du loup. L’objet de ma colère est une motion intitulée "Loup et pastoralisme". Ce texte a été présenté pour adoption par un groupe Europe Écologie - les Verts de la Région PACA. Il porte la signature d’une douzaine de camarades massacreurs (je n’ai pas d’autre adjectif à ma disposition).
Après avoir "réaffirmé son engagement sans faille en faveur du pastoralisme présent depuis des millénaires dans nos espaces montagnards" ; après avoir loué l’activité pastorale qui "joue un rôle essentiel de structuration des milieux naturels" et génère des "bénéfices environnementaux" augmentés d’une "dimension culturelle" comme la transhumance inscrite au patrimoine culturel mondial de l'humanité par l'UNESCO, ladite motion se met à casser du loup comme seule une bande de chasseurs en manque d’hémoglobine peut oser s’adonner.
Le document, signé par une douzaine de membres d’Europe-Écologie les Verts, "rappelle" que les grands prédateurs ne sont qu’un indicateur de la biodiversité "parmi d’autres".
Il "constate l’échec de la politique actuelle de cohabitation forcée avec le loup imposée aux éleveurs". Il enchaîne avec une kyrielle de contrevérités, selon lesquelles les attaques du loup sont surtout dirigées contre les troupeaux que le berger garde le mieux, et avec des chiens ; selon lesquelles les pertes d’animaux domestiques augmentent en flèche (de "200 à plus de 9.000", dont plus de 3.400 pour les seules Alpes-Maritimes) ; et ainsi de suite.
Le fantasme du loup dévorateur d’enfants
Il ne fallait pas, dit la motion, placer le loup sous le statut d’espèce strictement protégée. Ce prédateur prolifère follement. Il colonise sans cesse de nouveaux territoires. Il est rusé et opportuniste. Il adapte son comportement sanguinaire à tous les cas de figure ; et – last ut not least – "demain il en ira sans doute de la sécurité des personnes".
Le syndrome du Petit Chaperon rouge ! Le fantasme du loup dévorateur d’enfants ! Ils osent ! Ils ne s’interdisent aucune manipulation des esprits, aucune absurdité éthologique ou écologique !
On imagine ce texte rédigé, non pas par des membres d’un parti écologiste, mais par un quarteron déchaîné de Christian Estrosi et d’Éric Ciotti en mal de démagogie…
La conclusion vient d’elle-même : "Il est temps de changer radicalement de paradigme". "Ce n’est pas aux éleveurs de s'adapter à la prédation, mais au loup de s’adapter au pastoralisme". Par les moyens du fusil, du piégeage, de l’empoisonnement ou de toute autre méthode ("par tous moyens létaux", peut-on lire), il importe de "rendre la prédation sur troupeaux la plus meurtrière possible pour la meute"
Le texte dont je parle est moyenâgeux
On ne saurait être plus clair : tuez-les tous ! Massacrez-les ! Faites pisser le sang de la Bête, exterminez le diable réincarné ! Le texte dont je parle est moyenâgeux, et c’est néanmoins une motion soumise au groupe EELV de la Région PACA !
Cette page mortifère réclame le déclassement du loup de son statut d’espèce protégée par la Convention de Berne. Elle exige que les prédateurs soient abattus en toute occasion, et pas seulement "effarouchés", et pas uniquement par "dérogation". Elle désire renforcer la mission de "régulation" confiée au célèbre corps de Louveterie fondé sous Charlemagne. Elle organise, elle planifie, elle réglemente la mort du loup.
On me dit que, parmi les signataires, figurent des membres de la Confédération paysanne. Je n’en suis pas étonné : José Bové, l’un des piliers de ce syndicat, incarne lui aussi un anti-loup enragé.
Il ne resterait plus maintenant, pour rehausser le prestige de ce qui reste des Verts, qu’à voir fleurir d’autres motions de la même eau – ou du même sang.
L’écolo au fusil entre les dents
Supposons qu’après PACA divers groupes régionaux doivent se prononcer sur les textes analogues.
En Auvergne-Rhône-Alpes, sur le massacre des bouquetins atteints de brucellose. En Bourgogne-Franche-Comté ou dans le Grand Est, sur la destruction des lynx. Dans le Nord, sur l’éradication des corbeaux ou des cormorans. En Midi-Pyrénées, sur l’abattage des derniers ours. En Aquitaine, sur l’encouragement des corridas. En Bretagne, sur l’extermination des dauphins qui mangent les poissons des pêcheurs. Et ainsi de suite…
Les déferlements de bêtise et de méchanceté sont difficiles à encaisser. Quand ils émanent de groupes écolos qui aspirent à des carnages aux dépens des plus admirables espèces, ils deviennent insupportables. J’ose espérer que ce qui reste d’amoureux de la nature dans les rangs d’Europe Écologie - les Verts saura faire taire ces individus qui prennent possession de ce parti politique.
L’épisode est douloureux. Il m’aura au moins permis de faire la connaissance d’une toute nouvelle espèce nuisible : "l’écolo au fusil entre les dents".