L'émoi s'est abattu sur le village où, en quinze jours, six chiens de race ont été sauvagement enlevés dans des jardins privés. Un a été retrouvé agonisant, quatre grièvement blessés et le dernier reste disparu. Enquête.
Griffonne blanche entachée d'hématomes, la peau sur les os, "Belle" implore sa maîtresse d'un regard de chien battu. En détresse. Elle cherche "Duff", 4 ans, un shar-Pei noir croisé labrador. Son compagnon. Mort, la colonne vertébrale brisée en deux.
Vers 3 h du matin, dimanche 26 janvier, les deux inséparables, habitués à dormir dans la maison familiale, aboient pour sortir dans le jardin clôturé. "Mon père est descendu leur ouvrir", raconte Virginie Castella. Une heure plus tard, elle rentre, caresse les poilus et monte dans sa chambre. "Quand papa s'est réveillé, à 6 heures comme d'habitude, nos chiens avaient disparu", poursuit la jeune femme. Le portail est fermé, intact.
Angoissés, persuadés que leurs animaux n'ont pas fugué, les Castella ratissent Pia, Bompas, toutes les traverses. En vain. Lundi, Virginie déclare les vols à la gendarmerie et poursuit les recherches. Dans la foulée, elle apprend que "Cazo", une chienne Staff, s'est également volatilisée durant le week-end. Et "Cazo", justement, vient d'être aperçue chez un riverain du village. Prévenu, son maître Arnaud, court la récupérer. Sur place, personne. L'habitant absent se manifestera plus tard auprès de la police municipale qu'il saisit étrangement du vol de "Cazo", affirmant lui appartenir. Entre temps, Arnaud sauve sa petite "Staff". Elle souffre d'une hémorragie de l'utérus. Prostrée, elle n'aboie plus, ne sort plus, les femmes l'effraient.
Virginie oscille entre colère et désespoir. Le lendemain, la fourrière de Perpignan lui téléphone. "''Duff'' avait une puce, j'ai compris qu'un drame était survenu". Elle se précipite chez le vétérinaire indiqué, "Duff" est moribond. Il a été violemment percuté par une voiture au rond-point du Palais des Expos "où il a été jeté", témoigne un automobiliste. "C'est du sadisme. Un assassinat. On a tué notre shar Pei", sanglote Virginie qui le prend alors tendrement dans ses bras, tandis que le médecin abrège l'agonie.
- Ensanglantés, affamés
Ce même mardi-là, deux épagneuls bretons ont plus de chance. Kidnappés dans des conditions identiques, "Clio" et "Dan" sont repérés, abandonnés au fond d'un trou à Villelongue-de-la-Salanque. "Amaigris. Apeurés. Visiblement maltraités", s'attristent les époux Terrier. "Dan" de surcroît a contracté la leishmaniose. Miracle. la nuit suivante, "Belle" réapparaît. "Elle perdait du sang de partout, elle était affamée, déshydratée, elle avait l'air drogué et ses pattes étaient à vif. Elle a du réussir à s'échapper", dénonce Virginie. La femelle présente les mêmes symptômes traumatiques que ses congénères blessés. Mais elle est vivante.
- Plaintes contre "ces atrocités"
Entre larmes et incompréhension, Virginie Castella continue d'informer les gendarmes de Bompas. Puis, accompagnée d'Arnaud pour "Cazo", ils déposent plainte, rejoints par la propriétaire de "Coca", un Jack Russel de 7 ans dont le vol, là encore, ne laisse aucun doute. "Coca" était enfermé dans un enclos dont le grillage a été soulevé. Le terrier était retenu par un collier attaché à un harnais relié à une laisse. Il reste introuvable. Et à Pia, la tension monte. Qui s'attaque donc à ces quatre pattes racés ? Et pourquoi ? Virginie se démène pour mobiliser la population. "Un chien, c'est comme un enfant à protéger. Fort et faible à la fois. Le tueur de 'Duff'' doit payer. Pour que plus personne ne pleure un animal comme nous le pleurons", promet-elle. Convaincue que ces "actes barbares , ces atrocités", sont l'œuvre d'une filière organisée. Un trafic pour la reproduction ? Des combats de chiens ? De la méchanceté gratuite ? Si "Belle" avait la parole, le mystère serait déjà élucidé. A défaut l'enquête, espère-t-on en ville, aboutira vite. D'ici là, la vigilance canine s'impose.
L'enquête «à ses premiers balbutiements»
A la brigade de gendarmerie de Bompas qui a pour l'heure recueilli les plaintes de trois propriétaires, le lieutenant Vasseur a décidé, vendredi dernier, de confier les investigations au pool judiciaire de son unité. "L'enquête va démarrer. On en est aux premiers balbutiements. Nous devons revoir les personnes, tenter d'obtenir le maximum de détails", précise le militaire. Un minutieux travail de vérifications qui devrait permettre de confirmer ou d'infirmer les suspicions de repérage des animaux, la réalité ou pas d'une filière organisée et d'éclaircir, entre autres, le curieux comportement du faux propriétaire de l'American Staff. Des pistes à suivre et étudier pas à pas avant de resserrer l'étau autour du ou des auteurs de ces vols répétitifs assortis de violences et tortures. Un phénomène malheureusement récurrent. En France, en effet, le trafic d'animaux se classe en troisième position derrière la drogue et les armes.